« Ça m'est arrivé »... Être juif en Dordogne entre 1939 et 1944.
Lorsque débute la Seconde Guerre mondiale, la Dordogne, où ne vit alors qu'une dizaine de familles juives, devient terre d'accueil ou de passage pour des dizaines de milliers de réfugiés. Elle est désignée pour recevoir ceux que l'on appelle les « repliés » du Bas-Rhin et de Strasbourg, parmi lesquels beaucoup sont issus de l'importante communauté israélite de Strasbourg. Ils tentent de s'adapter à ce nouvel environnement et de se structurer autour de certaines institutions ou personnalités israélites. C'est ainsi, par exemple, que l'hôpital Elisa et la clinique Adassa de Strasbourg sont implantés respectivement à Sarlat et aux Eyzies avant d'être tous les deux rassembles à Thiviers. L'orphelinat de garçons de Haguenau, celui de jeunes filles de Strasbourg se retrouvent à Bergerac, un hospice de vieillards trouve place au château de La Roche-Beaulieu sur la commune d'Annesse-et-Beaulieu avant de partir à Saint-Astier, un autre existe au château du Roc, sur la commune du Change. La population israélite, française ou étrangère, peut être estimée alors à 7 000 personnes. L'avènement de Vichy marque un tournant décisif par la mise en place d'une politique d'Etat anti-juive toute entière orientée vers l'exclusion puis la persécution. L'administration génère une législation qui cerne peu à peu tous les aspects de la vie quotidienne : elle crée pour les Juifs des centres d'internement temporaires (à Saint-Pardoux-la-Rivière, au Change, au gymnase Secrestat de Périgueux), des Groupes de Travailleurs Etrangers (à Agonac, Bergerac, Buisson-de-Cadouin, Calviac, Castelnaud-Fayrac, Chancelade, Mauzac, Saint-Astier), des centres pour des assignations à résidence, elle met en place de multiples recensements, préalable à la réalisation de fichiers juifs et au repérage die ces populations par le port de l'étoile jaune en zone Nord ou par le marquage du tampon « juif' » sur les papiers d'identité en zone Sud. En Dordogne, partagée par la ligne de démarcation, des rafles sont menées dès le mois de juillet 1942, puis en octobre 1942, puis en février 1943 par l'administration française, en collaboration avec les autorités d'occupation. Ces dernières, assistées par différents mouvements favorables à la collaboration (milice, PPF, etc.), poursuivent ces rafles jusqu'à la fin de la guerre. Le passage de la division allemande Brehmer, en mars-avril 1944, venue pour réprimer la Résistance et terroriser la population qui la soutient, se caractérise par des pratiques systématiques de recherche, d'exécution et de déportation des Juifs, dans la continuité de la politique connue sous le nom de « Solution finale ». La Bachellerie, Azerat, Sainte-Orse, Tourtoirac, Excideuil, Brantôme, Saint-Pancrace, Champagnac-de-Belair sont quelques-unes des communes qui composent cette mosaïque du malheur. Le bilan en terme de vies humaines est beaucoup plus lourd que celui établi jusqu'alors : les études indiquaient des chiffres allant de 235 à 393, alors qu'il faut considérer que le nombre de victimes juives s'élève au minimum a 1200 personnes, dont 1000 environ, parmi lesquelles un grand nombre de femmes et d'enfants, sont déportés, tandis que 204 sont exécutés ou abattus, essentiellement sur leurs lieux de vie. Ces chiffres ne doivent, paradoxalement, pas faire oublier l'accueil généreux et les innombrables gestes de solidarité des Périgourdins sans lesquels le nombre de ces victimes auraient été plus important. Texte extrait d'un article signé Bernard Reviriego, Mémoire de la Dordogne, n°16, octobre 2003, pp.41-43.
- EHRI
- Archief
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